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LA FIN ET LES MOYENS

L'étude ci-dessous présente quelques notions de base d'une philosophie politique traditionnelle inspirées de Saint Thomas d'Aquin, d'Aristote et de Machiavel. Ces quelques principes qui guidèrent la Nation corse indépendante durant la période paoliste ( et guident légitimement tout processus d'émancipation national digne de ce nom ), illustrent par simple comparaison le caractère subversif de la République Française actuelle.




La philosophie politique thomiste.

La politique n'est pas un domaine à part de la philosophie. Elle est inséparable de l’Éthique. Elle n'est d'ailleurs que l'application des grands principes de l’Éthique à l'organisation et au gouvernement de la Communauté. C'est pourquoi Saint Thomas d'Aquin se penche généralement sur les thématiques politiques dans ses réflexions sur l'éthique.

A l'instar des autres créatures, l’Être humain possède sa propre fin. Néanmoins à l'inverse de toutes les autres créatures, l’Être humain n'est pas ordonné à sa fin par instinct, ni par une nécessité aveugle. Il doit s'efforcer de tracer sa propre voie en se servant de la Raison. A ce stade, Saint Thomas ajoute une observation qui se trouve à la base même de sa théorie politique : l’Être humain ne peut atteindre sa propre fin de manière isolée, en se servant de sa Raison individuelle. Il lui faut coopérer avec ses semblables. Son essence même fait que l’Être humain est social et le but ultime de la communauté politique est la quête de la fin vers laquelle il se sent attiré par nature. La finalité de la communauté politique n'est autre que la perfection des personnes qui la composent.

Or, si la communauté est naturelle, le gouvernement l'est aussi. Lorsque Thomas d'Aquin soutient que toute société a besoin d'un gouvernement pour contrer l'individualisme égoïste des hommes et éviter la désagrégation, il le faisait du point de vue de l’Éthique : quelqu'un doit se charger de pourvoir au Bien Commun et d'organiser la société à cette fin. Il faut que quelqu'un veille au sens ultime de la communauté elle-même par delà les intérêts personnels ou catégoriels. Le rôle du gouvernant est donc de faire en sorte que tous les membres de la communauté politique voient leur propre fin, c'est à dire leur perfection personnelle, se concrétiser.


Saint Thomas exprime cette idée à travers le concept de Bien Commun, qu'il emprunte à Aristote, et qu'il oppose aux intérêts personnels des individus. Le gouvernant doit rechercher le bien commun à travers toute ses actions. S'il ne le fait pas, il devient un Tyran et son gouvernement est illégitime. Le bien commun est un bien collectif englobant le bien-être matériel et spirituel : c'est au gouvernement qu'il incombe d'améliorer la satisfaction des besoins élémentaires des citoyens et leur développement culturel ainsi que de garantir un climat de paix et de justice leur permettant de se rapprocher de leur perfection personnelle.

L'une des dimensions de cette "perfection personnelle" que Saint Thomas met particulièrement en avant est l'Amitié civique. Les êtres humains ne peuvent atteindre leur perfection personnelle seuls dans leur coin. Ils doivent s'ouvrir aux autres, vivre l'amitié, donner et recevoir de l'Amour.

L’État est fondé sur l'Amitié : il ne fait aucun doute que vivre en société facilite la survie. L'Amitié est source de protection et permet de répartir activités et travail. Mais la vraie raison pour laquelle les êtres humains vivent en communauté est qu'ils ont besoin d'amis.Cela, ils ne peuvent y renoncer. Saint Thomas articule sa philosophie politique autour de deux grands principes : le concept d'Ordre de Saint Augustin, et celui de Justice légale d'Aristote. De fait, Thomas affirme l'autonomie du pouvoir politique temporel vis-à-vis de l'autorité religieuse, spirituelle. La foi chrétienne n'impose pas de façon particulière de gouverner, elle se contente de défendre des principes inaltérables, ceux de la morale naturelle. Pouvoir politique et autorité religieuse sont donc autonomes, mais pas indépendants, car leur but ultime est le même. Le gouvernement ne peut violer les principes de l'éthique et la droite raison, auquel cas il empêcherait les citoyens d'atteindre leur perfection personnelle. Au fond, il entraverait la finalité que partagent aussi bien le pouvoir politique que le pouvoir religieux. C'est pourquoi le gouvernement n'est pas fondé à légiférer contre la loi naturelle.

"Si un gouvernement promeut une loi qui dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n'est plus alors une loi, mais une corruption de la loi" nous dit Saint Thomas dans la "Somme Théologique". Le gouvernant doit donc s'occuper des affaires civiles du mieux qu'il le peut, sans toutefois perdre de vue la mission qu'il partage avec l’Église : le gouvernement se doit de "favoriser ce qui conduit à cette béatitude céleste, et interdire ce qui y est contraire".

Le gouvernement ne possède donc pas le pouvoir absolu.Il ne peut entièrement légiférer à son gré et est subordonné à la sphère religieuse ( en réalité morale et éthique ), en raison de la finalité même de la Politique.




L'Ambition comme "premier moteur" est le lien entre le modèle thomiste et Machiavel. Étant donné que l'on reconnait la nature de l'homme, il faut donc utiliser cette nature pour le diriger vers la fin ultime, sa Perfection. Le Florentin accorde une grande importance à l'Ambition car elle lui permet d'expliquer l'origine de la Fortune, tout en limitant d'une certaine façon son implacabilité. Machiavel entend la soif de pouvoir et de richesse comme force qui imprime le mouvement perpétuel dans toutes les affaires humaines. Le nombre de personnes mues par des visées égoïstes importe peu car, même si elles sont peu nombreuses, elles imposent des règles du jeu qui obligent les autres à agir de même. Par conséquent,l'Ambition est l'élément qui produit l'ordre des choses, qui impose la domination de la Fortune dans la réalité politique et sociale.

Ce point ouvre une fenêtre sur l'espoir. Le domaine de la politique est justement le lieu où l'on essaie d'ordonner les effets de la nature humaine. La politique doit établir des mécaniques qui obligent les hommes à se montrer socialement et politiquement vertueux , même s'ils ne le désirent pas, ou du moins faire en sorte que leurs vices deviennent un peu moins nuisibles. En maitrisant la pression qu'exercent sur l'homme les passions destructrices et égoïstes, l'on détermine, bien que de façon lointaine, la variabilité de la Fortune.


Lorsque la "virtù" ne désigne pas à l'homme une occasion favorable, l'ambition peut faire pencher la Fortune en sa faveur si elle l'aide à manipuler l'ambition d'autrui pour créer des dynamiques propices. Mais, comme tous les instruments politiques, celui qui en fait usage doit se montrer prudent pour ne pas entrainer sa propre ruine. Toutefois la possibilité d'action possède une force opposée, un frein. Ce frein constitue le dernier élément de la formule machiavellienne, qui complète le schéma : la Nécessité .

Si l'occasion était une conjoncture singulière dans laquelle la Fortune pouvait laisser place au succès, Machiavel découvre également l'existence de l'occasion inéluctable, un moment où l'accumulation de circonstances est si grande qu'elle ne laisse aucune alternative. Cette occasion impossible à éviter est ce que le penseur appelle "la nécessité". La nécessité "oblige", elle est une malédiction à laquelle on ne peut échapper. Elle met à l'épreuve la capacité du Chef à aller au-delà de l'acceptable ou du raisonnable.




A priori, la nécessité,n'est ni positive, ni négative. Tout dépend de l'objectif auquel elle conduit. Si les actions ne peuvent pas toujours être réalisées conformément aux diktats de la morale, c'est parce qu'elles suivent souvent ceux de la Nécessité. Si l'on veut atteindre un objectif, il faut savoir reconnaitre et accepter les exigences du moment avec toutes leurs conséquences.

L'important n'est pas alors, de bien agir, mais d'agir à temps, en courant le risque de faire du mal, mais toujours dans l'idée d'éviter de plus grands maux. La nécessité politique, qui est la dimension de la nécessité où la société joue sa survie, se trouve au-dessus de ses citoyens. Même si dans l'Italie violente du XVIe siècle, n'importe qui comprenait parfaitement le concept de "nécessité politique", celui-ci a fini par représenter ce que les idéalistes hypocrites et les "belles âmes", décriées par Kierkegaard et Hegel, ont appelé le "machiavellisme".

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